Résumé : Si vous êtes une femme et que vous vivez aux Etat-Unis ou dans un pays occidental, il est fort probable, et ce quelle que soit votre silhouette, que vous entreteniez un rapport à la nourriture frisant le fétichisme. A celles qui rentrent dans ce modèle de plus en plus étriqué, félicitations! Les vêtements sont coupés pour vous, les producteurs de chou kale vous adorent et l’opinion publique avec eux. Les autres risquent de rester dans l’ombre, à l’endroit précis où l’auteur de ce livre voulait se trouver.
Dans Hunger, un essai courageux et sans concessions, Roxane Gay retrace comment une agression sexuelle subie dans son enfance l’a conduite à prendre volontairement du poids afin d’être invisible et par conséquent « en sécurité ». Dès le début de son livre, elle recommande à ceux qui ont soif de témoignage triomphant sur la perte de poids de passer leur chemin. Pourtant Hunger n’est est pas moins un triomphe, car, à travers l’expérience de Roxane Gay, nous apprenons une leçon fondamentale : nous devrions tous faire preuve de davantage de bienveillance envers la réalité du corps des autres et nous réconcilier avec le nôtre.
Autrice : Roxane Gay
Traduction : Santiago Artozqui
Edition : Denoël
Date de publication : 10/01/2019
Genre : essai
Mon avis :
Je pense ne pas être loin de la vérité en disant que toutes les femmes ont eu à un moment de leur vie du mal à accepter leur corps. C’est un problème que rencontrent les hommes aussi bien sûr. Notamment à l’adolescence. Mais en tant que femme je réalise à quel point le rapport que l’on a avec notre corps est quelque chose d’universel. On est confrontées à une telle pression médiatique sur la manière dont on devrait se sentir, que c’en est oppressant. Je me rappelle avoir fait la réflexion à plusieurs reprises, sur le ton de l’humour, du message que toutes les vitrines que je croisais me renvoyaient. J’avais l’impression que je ne pouvais pas passer 10 minutes de ma journée sans voir un message quelque part sur le besoin de mincir, d’octroyer tel ou tel traitement à mon corps. Puis je me suis dit que c’était de la paranoïa : parce que je me sentais pas très bien dans ma peau, je voyais des signes partout.
En lisant Hunger, j’ai eu la confirmation que non, je ne suis pas paranoïaque. La société toute entière passe son temps à me dire que mon corps n’est pas assez parfait, que je devrais être en train de faire des efforts pour être plus mince (non pas que je sois grosse, mais apparemment, pour tous les médias, ça ne suffit pas).
Dans cet essai, Roxane Gay parle avec pudeur et franchise de son propre corps, de sa propre expérience. Elle nous raconte comment elle en est arrivée à ce corps qui semble la définir aux yeux de tous. Elle parle des événements horribles qui lui sont arrivés et ont déterminé dans un premier temps son rapport à son corps.
Mais elle parle aussi de la manière dont son corps a aussi déterminé qui elle était pour la société, pour ses proches, dans ses relations à autrui mais aussi à elle-même.
Elle nous dépeint la société telle qu’elle la voit, en tant que « grosse ». Parce que c’est l’étiquette que la société lui donne. Elle met le doigt sur les contradictions du monde autour du sujet de l’obésité. Elle dénonce cette grossophobie qui est partout, absolument partout. Comme si on éduquait le monde à condamner le surpoids. Comme si l’on imposait à tous, et surtout aux femmes, d’autoriser les autres à juger leur corps, à ne leur donner aucun choix que d’être mince ou condamnées par le regard des autres. On leur impose même de se condamner elles-mêmes.
Roxane Gay montre au travers de son récit, sans révolte, mais avec émotion, que le corps des femmes ne leur appartient pas. Elle raconte comment ça l’a détruite, comment ça la détruit encore aujourd’hui, bien que la lutte pour se réapproprier son corps soit en bonne voie pour elle. Et elle montre à quel point il n’y a pas besoin d’être obèse pour ressentir ces difficultés à s’accepter, à être bien dans son corps.
Elle nous explique et nous raconte tout cela avec simplicité, avec émotion, avec l’impact simple des mots et des maux vécus. Elle raconte son quotidien, des choses discrètes, qui semblent sans importance, que l’on ne remarque probablement pas, mais qui la blessent au quotidien.
J’ai été touchée par son récit, parce que l’on ressent sa sincérité. Elle n’écrit pas pour nous convaincre de quelque chose, pour nous pousser à nous révolter ou pour inspirer la pitié. Elle raconte pour qu’on sache. A nous d’en tirer l’enseignement que l’on veut. Et cela m’a ouvert les yeux sur des détails que je n’avais jamais remarqués (les accoudoirs des chaises dans les restaurants ou les salles d’attente par exemple, je n’y avais jamais pensé), sur des réactions que je pouvais avoir et que je regrette, mais surtout sur l’impact de cette société avec son culte de la minceur, qui décide du corps des femmes à nos places.
Je compte lire dès que possible Bad Feminist de cette même autrice, j’ai beaucoup aimé sa manière d’écrire et de transmettre ses idées, je suis donc intéressée par ce qu’elle pourrait avoir à dire sur le sujet, avec ses mots simples et sincères.
En bref : Un témoignage qui ouvre à la réflexion et enjoint au changement, que je recommande grandement.
Bonne lecture!
Xoxo!
Être mince, c’est un dictat que l’on nous impose partout dans la société occidentale. En regardant des films, les femmes minces sont pratiquement des rôles de star tandis que les femmes qui ont un certain poids sont pratiquement montrées du doigt. Comment ne pas culpabiliser avec ça? On dit qu’il faut s’accepter tel qu’on est. En tout cas, ce livre semble intéressant. Merci pour la revue
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Malheureusement on subit ce dictat de la minceur partout autour de nous, il semble impossible d’y échapper à moins de vivre dans une grotte… Et le message véhiculé est tellement faux et destructeur.
Il est indispensable que chacun et chacune s’accepte comme il est, mais pour cela il faut lutter contre la société… Dans ce livre Roxane Gay témoigne de la difficulté de ce combat, sans l’enjoliver. Ça m’a vraiment touchée.
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